« Il y a presque toujours des artistes au travail dans vos films. En quoi est-ce cinématographique ?
J’ai encore du mal à répondre à cette question, mais oui, cela m’attire. Je crois que cela a trait à la question du temps. Un corps qui s’est entraîné pour une performance a en quelque sorte accumulé du temps, un temps immédiatement perceptible pour les spectateurs. C’est pour cela qu’ils ne peuvent s’empêcher de regarder. La performance est irrésistible aussi pour un réalisateur, car elle donne une forme à la fiction, par essence abstraite, et elle pousse, aussi, le reste des scènes du film à être au niveau de ce qui a été représenté. Donc je me suis mis à en intégrer dans mes fictions. Après coup, je me suis rendu compte que de grands classiques de Mizoguchi ou d’Ozu contiennent des scènes de kabuki, de théâtre nô, de bunraku, représentées de manière étrangement longue. Les personnages du film ne jouent pas ces pièces mais les regardent, elles n’ont pas de rapport direct avec l’intrigue, mais, par effet d’entraînement, les spectateurs du film se mettent à regarder eux aussi. »
Ryūsuke Hamaguchi interviewé par Libération