Alaina est accablée par son travail d’officier de police dans la Réserve de Pine Ridge. Elle décide de ne plus répondre à sa radio. Sa nièce, Sadie, attend son retour pendant une longue nuit, en vain. Sadie, triste, décide d’entamer son voyage avec l’aide de son grand-père. Elle s’envole dans le temps et l’espace vers l'Amérique du Sud. Elle ne regardera plus de western en noir et blanc, qui ne la représentent pas. Tout lui semble différent quand elle commence à percevoir les rêves d’autres indiens qui habitent dans la forêt. Ses conclusions sont incertaines…
Les oiseaux ne parlent pas aux humains, mais si seulement nous pouvions les comprendre, ils auraient sans doute quelques vérités à nous transmettre.
Suisse romande
« Trois parties, dont celle du milieu est d’une force incroyable, à suivre les mouvements de Debonna (Alaina Clifford), policière du territoire Lakota, en Amérique du Nord, dont le corps et la pensée vont lentement, les nôtres s’y accordant imperceptiblement, pendant sa tournée de nuit dans la neige seulement peuplée de détresses et d’appels radio, tandis que Sadie (Sadie Lapointe) passe une nuit décisive, en métamorphose imminente (le film devenant de plus en plus animiste à mesure qu’il avance). Entre le film dans le film de la première partie et l’épopée amazonienne de la troisième, le panneau central du voyage vibre comme un fragment perdu de Twin Peaks étiré en trouble de l’attention, narcolepsie extralucide, pour un cinéma du futur ou du passé, immémorial et ultérieur, qui en cherchant de l’or, trouve le temps. »
Luc Chessel, le règne animiste, Libération à Cannes
« Le temps est une fiction inventée par les hommes, professe le grand-père de Sadie. En l’occurrence, Eureka prouve plutôt une variante antonymique de ce précepte : car Lisandro Alonso a ici produit une fiction du temps.
Voyage entre l’espace et le temps abolis, à la chronologie disloquée, Eureka est un adieu au monde, qui le fuit vers l’au-delà, le rêve et l’immatériel. Il nous immerge dans ses secrets, gardant jusqu’au bout son énigme au fond de lui. »
Eléonore Vigier, ★★★★★, Culturopoing
« Après un tournage étiré et dispersé entre Portugal, Dakota du Sud et Mexique, le cinéaste et ses équipes sortent transmués et l’œuvre rassemblant les morceaux épars d’une odyssée créative aussi hagarde que féconde est littéralement à tomber. »
Didier Péron, songe d’une vie spoliée, ★★★★★, Libération
« Eureka s’intéresse aux vestiges de la civilisation amérindienne, et s’interroge sur les conditions de survie des populations indiennes dans différents lieux et à diverses époques. C’est aussi un conte sur l’exploitation de l’homme par l’homme et sur une violence endémique qui se propage comme une maladie. Lisandro Alonso montre comment l’humanité est capable d’organiser sa propre défaite, en même temps qu’un holocauste écologique. Eureka devient ainsi une réflexion sur notre rapport à la planète, à la nature et aussi à nos semblables. Le cinéaste pense que les êtres humains qui vivent en dehors du système sociétal moderne et entretiennent des liens magiques et étroits avec la nature ont des choses à nous apprendre. Dans son film, il invente un réseau de connexions entre le Nord et le Sud du contient américain, le passé et le présent, la fiction et le documentaire, le rêve et la réalité, la vie et la mort. Ce voyage dans le temps et l’espace est scindé en trois parties distinctes, avec des formats et des textures d’images différentes, qui expriment des imaginaires à la fois opposés et reliés entre eux par des indices, des traces. La première, un western en noir et blanc tourné à Almeria, avec Viggo Mortensen et Chiara Mastroianni, établit sans équivoque une passerelle entre Jauja et Eureka. La seconde, dans la réserve indienne de Pine Ridge du Dakota du Sud, suit la vie quotidienne d’une femme policier confrontée à la misère des derniers survivants de la tribu des Oglalas. Enfin, la troisième partie, située dans une jungle mystérieuse (le tournage s’est déroulé au Mexique), renvoie aux premiers films d’Alonso et développe une conception chamanique du monde mêlée au constat désastreux de l’histoire coloniale et de la fièvre de l’or.
Malgré la densité et l’importance des thèmes abordés (à commencer par la condition indigène et par extension la condition humaine), Eureka dépasse le cadre politique, sociétal et culturel pour atteindre à un pur plaisir esthétique et sensoriel. C’est bien de transcendance dont il faut parler pour définir ce film qui relève le défi d’explorer de nouvelles frontières cinématographiques, en mettant en question les notions de récit, de personnage, de temps et d’espace. »
Olivier Père, Arte
Avec Viggo Mortensen, Chiara Mastroianni, Alaina Clifford, Sadie Lapointe
Scénario Lisandro Alonso, Martín Caamaño, Fabián Casas Image Mauro Herce, Timo Salminen Production Marianne Slot, avec aussi Dan Wechsler, Jamal Zeinal Zade