« Jia Zhangke, chef de file des cinéastes dits de la 6e génération – celle qui, marquée par les manifestations de Tian’anmen en 1989, brave la censure et conquiert son indépendance.
Dès ses débuts dans la clandestinité, il arrime son cinéma au réel avec plusieurs films réalisés dans sa province natale du Shanxi. Tourné en décors naturels avec des acteurs et actrices non professionnel·les, Xiao Wu, artisan pickpocket (1997) apparaît comme le «manifeste d’une nouvelle vague chinoise stylistiquement proche du néoréalisme».»
Mathieu Loewer, + entretien avec Jia Zangke en 2024, Le Courrier
« Ils sont rares, les cinéastes capables d'inscrire des personnages dans leur environnement avec autant de précision. Jia Zhangke possède le sens de l'Histoire au point d'y inclure sa propre œuvre, en reprenant le personnage de Xiao Wu, le pickpocket cinéphile de son premier film devenu ici un mafieux sans envergure. Sa démarche revient peut-être à réaliser des films pour une redécouverte future, mais rien n'interdit de goûter dès aujourd'hui au plaisir paradoxal que procure un regard aussi perçant.»
Norbert Creutz à propos de Unknown Pleasures, Le Temps
« Il a pour maîtres Ozu et Hou Hsiao-Hsien, Godard et Bresson. Cinéaste depuis (1997), Jia Zhangke puise au plus près du réel pour montrer, avec lenteur et en peu de mots, la vie quotidienne des laissés-pour-compte de la croissance économique chinoise. »
Raphaële Bouchet, + entretien avec Jia Zangke en 2007, Le Courrier
« Ce n’est pas le ciel mais tout de même une grande partie qui nous tombe sur la tête avec Xiao Wu, artisan pickpocket du jeune (28 ans) réalisateur chinois Jia Zhangke, récompensé d’un grand prix au dernier Festival des Trois-Continents. Comme son titre l’indique très clairement, le récit du film s’attache au pas d’un jeune pickpocket, Xiao Wu, que l’on découvre tout de suite en activité. Après avoir resquillé dans un car en prétendant être de la police, il tire habilement un portefeuille de la poche de son voisin de banquette. Comme son titre l’indique tout aussi clairement, il y a tout de suite quelque chose du cinéma de Robert Bresson dans la façon dont le film nous expose les faits et méfaits du jeune homme : image de glace et personnage de feu. Cette manière inaugurale d’inhaler le froid et d’exhaler le chaud restera le principe respiratoire du film qui, à chaque plan, s’oxygène et s’asphyxie à la fois.
(...) Subtilité esthétique et narrative. Certes Xiao Wu, artisan pickpocket est une mine d’informations sur ce gigantesque bordel sous contrôle qu’est devenue aujourd’hui la République populaire de Chine. A la volée, au fil des rues et des cours de Fenyang, ville moyenne de la province de Xian où se situe l’action, on comprend localement pourquoi le paradoxe d’une dictature communiste saisie par la tyrannie du Capital tient encore debout. Sous l’emprise frénétique de l’argent et du profit (passion sanguine qui circule dans toutes les artères du film), la Chine serait-elle en train de redevenir l’Empire qu’elle n’a jamais tout à fait cessé d’être ? Mais le charme du film, c’est qu’il ne pose pas ce genre de question de face. Sans doute pour des raisons de censure (Xiao Wu, artisan pickpocket n’a pas été distribué en Chine) mais aussi pour des motifs nettement plus esthétiques. Le louvoiement n’est pas seulement une ruse, il est aussi une façon de donner toutes leurs chances à toutes les histoires, grandes (la Chine aujourd’hui) ou petites (quelques Chinois contemporains). Autant dire qu’entre l’enregistrement du réel et sa mise en fiction, Jia Zhangke va et vient, coitus cinematographicus ininterruptus, et ne tranche pas. Autant dire que de Chine vient de nous parvenir le message d’un cinéaste qui jette sur son établi ardent la vieille question ici fatiguée de la place de la caméra. Invisible ou manifeste, son charme fou c’est que cette caméra se fait à tout instant oublier. Cette amnésie organisée est l’autre nom du cinéma. »
Gérard Lefort, Libération
« Avec son titre en forme de manuel pratique, Xiao Wu artisan pickpocket est d’abord un traité de la survie quotidienne en Chine. En tournant quasiment sous le manteau, Jia Zhangke a volé des bribes de réalité grisâtre dans une contrée où tout s’effondre : trottoirs éventrés, escaliers défoncés, façades lépreuses. Décapante et rare, cette démarche documentaire constitue la première richesse du film. Mais Jia Zhang Ke fait bien plus que jeter à la mer la bouteille d’air vicié pour donner des nouvelles de son pays au bord de l’asphyxie. Caché derrière Xiao Wu, son porte-parole officiel un peu bredezingue, il pousse loin sa réflexion sur la dissidence, jeu dangereux à double tranchant… »
Télérama