Dès la scène d’introduction, où le jeune homme attend un bus pour se rendre à Fenyang, Xiao Wu se présente à nous comme une figure vierge et sans passé. Une fois monté à l’intérieur du véhicule, il s’y installe et se fait passer pour un membre de la police afin de ne pas avoir à payer de ticket. Le contrôleur, dupé, le laisse tranquille. C’est à ce moment que Xiao Wu dérobe discrètement le portefeuille de son voisin, dans un plan rapproché qui montre sa main en action — non sans rappeler celle du voleur dans le Pickpocket de Bresson (auquel le film de Jia Zhang-ke emprunte au moins cette image). Le plan suivant dévoile l’avant du bus, où est accrochée une photo de Mao Zedong, tandis que, dans le contrechamp, le regard de Xiao Wu s’oriente vers l’extérieur, dans un axe différent de celui du centre du bus, suggérant qu’il ne regarde pas la photo de Mao (images ci-dessous). Son regard, à l’image de son activité de voleur, relève dès lors de la marginalité. Cette question du désaxement, au centre de Xiao Wu, artisan pickpocket, sous-entend une lutte, consciente ou non, d’un personnage qui refuse de regarder en face les images figées peuplant son champ de vision. DE LA MOBILITÉ par Corentin Lê