Sister distribution
posterXIAO WU, ARTISAN PICKPOCKET

XIAO WU, ARTISAN PICKPOCKET

un film de Jia Zhangke
Chine - 1997 - 108'

Après une absence mystérieuse, certainement un séjour en prison, Xiao Wu revient dans sa petite ville de Fenyang. Il retrouve Xiao Yong, son ancien comparse. Celui-ci a abandonne le vol a la tire pour une activité plus lucrative, le trafic de cigarettes. C'est devenu un nouveau riche, salue et respecte. Les deux amis sont devenus étrangers l'un a l'autre. Xiao Wu erre dans la ville, dont les vieux quartiers sont peu a peu rases. Il s'éprend de Mei Mei dans un bar karaoké mais il est rejeté. Il part alors dans sa famille de paysans pauvres d'un village de montagne.

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« Ce n’est pas le ciel mais tout de même une grande partie qui nous tombe sur la tête avec Xiao Wu, artisan pickpocket du jeune (28 ans) réalisateur chinois Jia Zhangke, récompensé d’un grand prix au dernier Festival des Trois-Continents. Comme son titre l’indique très clairement, le récit du film s’attache au pas d’un jeune pickpocket, Xiao Wu, que l’on découvre tout de suite en activité. Après avoir resquillé dans un car en prétendant être de la police, il tire habilement un portefeuille de la poche de son voisin de banquette. Comme son titre l’indique tout aussi clairement, il y a tout de suite quelque chose du cinéma de Robert Bresson dans la façon dont le film nous expose les faits et méfaits du jeune homme : image de glace et personnage de feu. Cette manière inaugurale d’inhaler le froid et d’exhaler le chaud restera le principe respiratoire du film qui, à chaque plan, s’oxygène et s’asphyxie à la fois. (...) Subtilité esthétique et narrative. Certes Xiao Wu, artisan pickpocket est une mine d’informations sur ce gigantesque bordel sous contrôle qu’est devenue aujourd’hui la République populaire de Chine. A la volée, au fil des rues et des cours de Fenyang, ville moyenne de la province de Xian où se situe l’action, on comprend localement pourquoi le paradoxe d’une dictature communiste saisie par la tyrannie du Capital tient encore debout. Sous l’emprise frénétique de l’argent et du profit (passion sanguine qui circule dans toutes les artères du film), la Chine serait-elle en train de redevenir l’Empire qu’elle n’a jamais tout à fait cessé d’être ? Mais le charme du film, c’est qu’il ne pose pas ce genre de question de face. Sans doute pour des raisons de censure (Xiao Wu, artisan pickpocket n’a pas été distribué en Chine) mais aussi pour des motifs nettement plus esthétiques. Le louvoiement n’est pas seulement une ruse, il est aussi une façon de donner toutes leurs chances à toutes les histoires, grandes (la Chine aujourd’hui) ou petites (quelques Chinois contemporains). Autant dire qu’entre l’enregistrement du réel et sa mise en fiction, Jia Zhangke va et vient, coitus cinematographicus ininterruptus, et ne tranche pas. Autant dire que de Chine vient de nous parvenir le message d’un cinéaste qui jette sur son établi ardent la vieille question ici fatiguée de la place de la caméra. Invisible ou manifeste, son charme fou c’est que cette caméra se fait à tout instant oublier. Cette amnésie organisée est l’autre nom du cinéma. » — Gérard Lefort, Libération

« Avec son titre en forme de manuel pratique, Xiao Wu artisan pickpocket est d’abord un traité de la survie quotidienne en Chine. En tournant quasiment sous le manteau, Jia Zhang Ke a volé des bribes de réalité grisâtre dans une contrée où tout s’effondre : trottoirs éventrés, escaliers défoncés, façades lépreuses. Décapante et rare, cette démarche documentaire constitue la première richesse du film. Mais Jia Zhang Ke fait bien plus que jeter à la mer la bouteille d’air vicié pour donner des nouvelles de son pays au bord de l’asphyxie. Caché derrière Xiao Wu, son porte-parole officiel un peu bredezingue, il pousse loin sa réflexion sur la dissidence, jeu dangereux à double tranchant… » — Télérama

Avec Wang Hongwei, Hao Hongjian, Zuo Baito, Ma Jin Rei

Scénario et dialogues Jia Zhangke Image Yu Lik-wai Son Zhang Yang Montage Xio Ling Yu Production Jia Zhangke et Kit Ming Li

Dès la scène d’introduction, où le jeune homme attend un bus pour se rendre à Fenyang, Xiao Wu se présente à nous comme une figure vierge et sans passé. Une fois monté à l’intérieur du véhicule, il s’y installe et se fait passer pour un membre de la police afin de ne pas avoir à payer de ticket. Le contrôleur, dupé, le laisse tranquille. C’est à ce moment que Xiao Wu dérobe discrètement le portefeuille de son voisin, dans un plan rapproché qui montre sa main en action — non sans rappeler celle du voleur dans le Pickpocket de Bresson (auquel le film de Jia Zhang-ke emprunte au moins cette image). Le plan suivant dévoile l’avant du bus, où est accrochée une photo de Mao Zedong, tandis que, dans le contrechamp, le regard de Xiao Wu s’oriente vers l’extérieur, dans un axe différent de celui du centre du bus, suggérant qu’il ne regarde pas la photo de Mao (images ci-dessous). Son regard, à l’image de son activité de voleur, relève dès lors de la marginalité. Cette question du désaxement, au centre de Xiao Wu, artisan pickpocket, sous-entend une lutte, consciente ou non, d’un personnage qui refuse de regarder en face les images figées peuplant son champ de vision. DE LA MOBILITÉ  par Corentin Lê